Elle va me tuer

Elle va me tuer...

C'était ce que pensait Hiru Nakâmi, à 22h50, assis à une table du Jackson Hole. Il sirotait doucement son Jackson Cola, en jetant des regards désespérés vers la porte. Il avait besoin de se rassurer, mais évitait calmement de boire de l'alcool, ou même de fumer, à cause de l'odeur qu' Enora n'aimait pas trop.

C'est complètement stupide, elle va même pas s'approcher alors bon... pensa t il avant de se ressaisir.

Il était venu la récupérer, car il n'avait pas su la garder, fermer la porte de la cage qu'était son coeur... Après un an de déconne complet, avec des filles, de l'alcool et bien plus, Hiru ne savait pas bien lui même si il pouvait lui apporter ce qu'elle espérait. Mais il avait besoin d'elle, comme une deuxième variété de clopes, son morceau de paradis à croquer tous les jours.

Doucement, le guitariste de Fly se passa la main dans ses cheveux noirs mi-longs et appuya sa joue contre la paume de sa main. La tentation de se ronger les ongles était forte, alors il préféra fermer sa main et la replier contre sa joue.

C'est trop dur... soupira t il mentalement avant de se rappeler la dernière fois qu'il avait vu Enora...
Il était dans les bras d'une fille, et pas les siens...

Aaaah quel con marmonna t il avant de s'affaler un peu plus sur le banc d'un des box du Jackson où il était assis, dos au mur.

Dos au mur, ça on peut le dire, j'y suis. Même une p***** d'impression que le mur essaye de me pousser dans le vide...

La porte s'ouvrit, pour laisser entrer deux filles, d'une banalité affligeante, mais qui le regardaient bizarrement. Vite, Hiru rabattit sa casquette sur sa tête. Il avait fait un effort pour essayer de s'habiller normalement pourtant... Tee Shirt blanc troué et jean troué aussi, le tout avec un blouson en cuir et ses NewRock, et avec seulement la moitié de ses piercings, franchement, pas de quoi en faire un plat...

Le guitariste soupira, et continua à regarder fixement la porte.

Enora connaissait bien le Jackson Hole. En effet, dès son arrivée à Tokyo, elle y avait passé quelques nuit, à boire, à pleurer. A cause de Hiru...
Ce fut donc aisé pour elle de s'y rendre, après avoir fait un rapide détour par chez elle, où elle s'était changée. Elle portait à présent un jean troué un peu partout, même sur ses hanches, et une tunique grise dont tous les bords étaient déchirés. Le tout agrémenté d'une ceinture noire et d'un foulard déchiré, lui-aussi, qui y pendait, entrelacé à une fine chaine. Elle ne s'était pas maquillée, elle n'était pas là pour Hiru, mais pour elle, elle ne voulait pas spécialement lui plaire.

Lorsqu'elle entra dans le bar, juste après deux filles qui tournèrent la tête et eurent une expression étrange, les regards se retournèrent sur elle. Bien sûr, même pas maquillée, et habillée comme elle l'était, son fin visage et ses longs cheveux, plus longs de jours en jours..., ne laissaient personne indifférent, ni femmes, ni hommes. Tous étaient, impressionnée soit par son culot, soit par l'aura et la beauté qu'elle dégageait.
Elle ne s'en préocuppa pas et s'intéressa aux deux jeunes filles qui l'avaient précédée. Des lycéennes, sans doute, un peu coicées... Elle regardaient vers le fond de la salle. Hiru...

Toujours aussi beau, se surprit-elle à penser avant de détourner ses yeux des deux idiotes qui restaient plantées au milieu de la salle, sans la voir.

Elle se dirigea vers le comptoir, commanda un Jackson Cola et un Jackson Burger avant de repartir dans le sens opposé.
Elle bouscula une des filles qui la regarda de la même façon qu'elle regardait Hiru. Presque horrifiée. C'était trop drôle pour Enora.
Elle ne s'excusa pas et s'assit en face de Hiru, en attendant son Cola et son Burger.

Elle grda le silence. Ce n'était pas à elle de parler. Elle n'avait rien à dire...

Hiru l'avait vu entrer avec sa manière typique: on aurait dit qu'un courant d'air froid passait dans le restaurant. Pourtant il faisait facilement 25 degrés, avec cette aura qui l'entourait, et sa beauté... Quasiment aussitôt, Hiru ressentit la folie qu'elle lui inspirait dans son esprit.
Elle s'assit, sans rien dire, et n'en dit pas plus.

Il avait envie de l'approcher, tout de suite, de lui attraper les mains et de l'embrasser, mais il savait que si il faisait ça; il signait son arrêt de mort dans les cinq secondes, et de toute façon, ce n'était pas assez.

Pourtant, il était sensé dire quoi? On doit dire quoi dans ce genre de cas? Comme si les mots étaient suffisants pour dire à quel point on se déteste d'avoir été ce qu'on a été, d'avoir fait ce qu'on a fait, et encore... Il y avait des choses qu'il aurait du faire, qu'il aurait pu faire...

Et malgré cela, il se sentait bien, par la seule présence d'Enora, même si ce qu'elle dégageait était pire que des ondes négatives... Mais le silence ne pouvait pas durer... c'était la seule tâche dans cette image qui aurait pu être parfaite. Encore que le silence qu'ils partageaient avant n'était pas gênant. Le problème ici, c'était le non dit.

Je pense chaque mot que je t'ai écrit... et j'espère que tu me crois pas assez salaud de t'avoir fait venir si je me repentais pas jusqu'au moindre millimètre de ma chair. J'ai pas envie que toi et moi on en reste là, dans ce merdier dans lequel je nous ai fourré, et duquel je promets de nous sortir. Parce que promettre que je vais essayer, ce n'est pas suffisant pour toi Enora, et ça je l'ai compris...

Doucement, avec précaution, il toucha le genou d'Enora avec le sien. Il n'avait pas pu s'empêcher.

Je pourrais te dire "Je le ferais plus", mais c'est même pas ça... Je ne veux plus le faire... je me vois pas avec une autre personne que toi. Et quand je dis "être" c'est rien de physique, c'est aimer, comme on s'est aimés...

Enora planta son regard gris dans les beaux yeux de Hiru. Elle savait dedans qu'elle était numéro un son esprit. Mais non, ce n'était pas ça qui l'embétait...
Quand il toucha son genou, elle faillit éclater d'un rire, méchant, ou en tous cas assez ironique.

Rien de physique...!

Elle attendit quelques secondes pour parler. Mais finalement, elle en avait plus besoin qu'elle n'aurait pû le montrer. Parce que, oui, elle voulait savoir...

De une, dit-elle de sa si belle voix, à la fois calme, enragée, mielleuse, gentille, et d'autres encore, je sais que t'es pas un salaud, mais c'est pas le problème. Le problème, c'est que cette...

Trainée...

... fille dans tes bras, c'était ma meilleure amie! Et de deux, continua-t-elle sans finir.

Elle se leva, fit le tour de la table et se pencha vers lui avant qu'il ait eut le temps de réagir. Elle effleura ses lèvres.
Elle l'aimait au temps qu'avant apparemment. Il ne l'avait sans doute pas encore assez blessée...

Hiru écarquilla les yeux quand il sentit les lèvres d'Enora se poser sur les siennes.
Si vite?
Ni une, ni deux, il l'attrapa à la taille et l'attira vers lui, creusant son épaule pour qu'elle puisse appuyer sa tête. Ce serait plus facile si il ne voyait pas ses yeux? Qui sait...

J'en suis parfaitement conscient... On t'a fait du mal, même si de ma part c'était vraiment involontaire. Tu es la seule personne qui ait une vraie valeur à mes yeux... Tu le sais. Les autres peuvent crever, je m'en balance.

Il ferma les yeux, inspirant avec délice l'odeur d'Enora, celle de ses cheveux, de son corps, elle purement et simplement.

Ton... amie... m' a pas forcé, mais je n'étais pas non plus très conscient de mes actes à ce moment là, pas à cause de ce que j'avais pris, plutôt parce que j'avais trop mal que tu ne sois plus là.

Enora se blottit contre le torse de Hiru comptant chaque seconde. Parce qu'elle avait compté toutes les secondes sans lui, maintenant, elle comptait celle qu'ils resteraient ainsi.
Un ange passa mais le démon Enora l'écarta aussi vite qu'il était arrivé.
La jeune femme sourit vaguement. C'était si bon de le savoir si près d'elle.

Je... préfèrerais qu'on arrête d'en parler, mumura-t-elle calmement. Tu... J'm'en fous de ce qui s'est passé et du pourquoi ça s'est passé... Je veux juste... oublier.

Elle avait juste envie de rester là, pour toujours.
Mais la réalité était toute autre... Les gens les regardaient, dans leurs looks provoquants, se blotir l'un contre l'autre.
Enora se leva en déposant une bise sur la joue de Hiru. Elle retourna à sa place.

T'es là depuis longtemps? T'as un job?

Hiru prit une mine contrite quand Enora évoqua son arrivée à Tokyo.

Nan, j'ai tout de suite cherché à te trouver... Je suis arrivé hier. Et, euh, un job...

Il partit dans le vague tout en lui attrapant la main au dessus de la table.

J'ai pas fait grand chose ces derniers temps comme jobs... Je pourrais devenir prof de musique!

Il avait dit ça avec un grand sourire. Non mais franchement, vous imaginez avoir un prof pareil?

Ne t'inquiètes pas, il me reste de l'argent encore. Je peux même t'offrir le dessert!

Ceci dit, il héla un serveur et commanda pour eux deux une "Jackson Glossy Mountain, une pile de pancakes, avec beaucoup, beaucoup de sirop de fraise.

Et toi? Tu bosses? Dans la grande ville de Tokyooo...

Il avait légèrement insisté sur le "o". Pour lui, Tokyo n'était jamais rien qu'une ville, le côté "Je monte à Tokyo" il s'en foutait.

Tant que je suis avec toi...

Enora sentit la chaleur de la main de Hiru et elle frissonna. Elle qui n'avait aucune envie de recommencer tout avec lui avait pourtant fait le premier pas. Mais elle ne s'en voulait pas vraiment. Elle se trouvait juste idiote.
Elle regarda le serveur revenir avec la glace. Il était un peu insignifiant à côté du charisme de Hiru. C'était assez drôle.

Tu... voudrais devenir prof?

Elle haussa les sourcil en regardant son compagnon. C'était peut-être une bonne chose... Mais aurait-elle le courage de le revoir tous les jours...?

Mais oui! En plus il me faut absolument des profs... Quels cons les autres là d'avoir démissioné...!

J'ai besoin de profs Hiru, et si tu pouvais me rendre un petit service ça serait pas mal...

Elle sourit tout en restant sérieuse.

Mais en fait, t'habites où?

Hiru vit le dessert arriver avec délice. Il avait cette étonnante capacité de pouvoir manger tout et n'importe quoi sans grossir, des restes de sa vie d'athlète sans doute.

Ce qui ne l'empêcha pas de remarquer le haussement de sourcils d'Enora... Gêné, il détourna les yeux. Elle le regardait comme s'il lui avait forcé la main; ce qui n'était pas le cas... Enfin, si?

Oui, prof... Je pense que filer mon savoir à des gens, c'est sympa.
Après, je prétends pas être bon prof!

Il sourit malgré lui quand il entendit la proposition d'Enora, et plongea son regard dans le sien...

Tout ce que j'ai toujours souhaité, moi, c'était d'être avec toi...

Si je peux t'aider...

Il avait dit ça avec un sourire en coin, mais quand elle lui posa sa question, il se renfrogna.

J'ai pas d'appart... Faut que je cherche, je sais...

Avec une moue boudeuse, il retourna la question, en lui tendant une cuillère pleine de glace au sirop de fraise.

Et vous mademoiselle, dit il en appuyant sur les consonnes, à l'anglaise, où résidez vous?

Enora sourit alors que Hiru se renfrognait. Elle avait toujours trouvé très drôles ses expressions faciales et ne s'en lassait pas. Elle rit quelques secondes avant de reprendre son sérieux.
Par le passé, Hiru avait reccueilli Enora et elle lui devait bien ça...

Laisse tomber, cherche pas. Y a pas mal de place chez moi et puis tu l'as déjà fait pour moi.

Elle sourit encore et encore, passant sa main dans ses longs cheveux. Elle plongea ses yeux dans ceux de Hiru.

Qu'est-ce que tu veux enseigner...? J'ai prévu des cours communs, si tu veux, pour t'intégrer à l'équipe.

Trop gourmand, Hiru engloutit sa cuillère pleine de glace au sirop de fraise. Grace à sa condition d'ex sportif, il pouvait manger à peu près ce qu'il voulait, sans jamais prendre un gramme. Une chose que certains lui enviaient, et dont il ne se privait pas d'abuser.

Avec encore un peu de sirop de fraise sur les lèvres, il se pencha par dessus la table et posa un petit baiser sur celles d'Enora (de lèvres, pas la table xD). Se rasseyant doucement, il sourit.

Je ne suis pas souvent allé chez toi, c'est vrai...

Au vol, il saisit une des longues mèches d'Enora, la faisant doucement couler entre ses doigts fins.

Je veux bien intégrer les cours généraux, pour participer à une équipe.

Il leva vivement son autre main et fit le salut militaire.

A votre commandement!

Enora se leva du box. Elle n'avait qu'une seule envie à présent. Emmener Hiru à l'école puis chez elle. Elle sourit à Hiru avant de contourner la table et de s'asseoire sur ses genoux. Elle sourit.

Tu viens dormir chez moi?

Elle lui fit un clin d'oeil et se dirigea vers le comptoir où elle paya leurs consommations et la glace.
Elle revint vers son z'amoureux et attrapa sa main.
Elle baissa les yeux vers la glace et voyant qu'il n'avait pas finit, elle se saisit de la cuillère, la trampa dans le sirop de fraise et la fit glisser contre ses lèvres. Son tein pale et ces lèvres rouges et pulpeuses avaient de quoi le faire craquer. Cela la faisait penser à un film. Un peu trop américanisé peut-être...!
Elle posa sa main sur le torse de Hiru et la descendit sensuellement sous les regards plus ou moins indiscrets des autres clients du bar. Y compris des deux jeunes filles qu'Enora n'avait pas fait semblant de bousculer...!

Hiru suivit du regard la silhouette d'Enora tout le long de son chemin vers la caisse. Il laissa son regard remonter lentement: pieds légers, jambes fines flottant dans son pantalon déchiré, juste ajusté là où il faut, la ligne du dos, impeccablement droite et fine dans son tee shirt gris, balancement léger des hanches, épaules graciles, nuque délicate, petits cheveux flottants... Elle lui manquait déjà. Tout son être criait "Reviens! Partons sans payer! C'est pas si grave!"

A son retour, il fut surpris. Ces lèvres rouges, au milieu de son visage si pâle, formaient un contraste graphique puissant, mais ramenaient surtout le jeune homme à des considérations plus... prosaiques. Ses lèvres rouges, luisantes et pulpeuses...
La main descendant sur son torse le fit frémir de surprise et de désir, provoquant une tornade d'émotions et de sensations sous son crâne. A travers ses yeux mi clos, il voyait les autres clients éberlués. Vivement, il attrapa Enora par la nuque et le bas du dos, tout contre lui. Il s'en moquait si elle sentait ses réactions physiques maintenant. A présent, une seule chose l'obsédait, Enora, son visage, son corps tout à lui. Il lui souffla à l'oreille.

Si tu continues comme ça, je vais avoir envie de t'arracher tes vêtements sur le champ... Je doute fort que le patron du resto apprécie.

Dans un soupir:

Il est loin ton appart'? dit il avec des yeux suppliants.

Enora sourit. Apparemment, Hiru aurait craqué de toute façon. Mais en fait, elle devait en avoir aussi envie que lui...
Elle continua à descendre sa main et la passa sous de T-shirt de Hiru. Elle embrassa son torse couvert de ce tissu, si génant.

A quelques rues, dit-elle avec le même ton que son amant. On y va....?

Sans attendre une reponse, elle se releva et attira Hiru par la main. Ils sortirent du bar, sous les regards extasiés des hommes, et ceux jaloux des femmes.

Suite : ICI!